Page 28 - ARS MAGAZINE

2DE L’HOMME RÉPARÉÀ L’HOMME AUGMENTÉEXTRAIT D’ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR GUY VALLANCIENChirurgien, membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de chirurgie, Guy Vallancien partage avec nous sa ré exion éthique et philosophique sur les dérives des progrès médicaux issus des dernières technologies, en s’appuyant sur son dernier ouvrage : Homo Arti cialis. Morceaux choisis.28Et si on repensait le système ?En parcourant votre ou age on tombe sur la notion de « chirurgie Nintendo », de quoi s’agit -il ?Guy Vallancien : Il y a 40 ans, on faisait des opérations immenses, je n’imaginais simplement pas que 20 ans plus tard je serai assis à une console en train de manipuler des joysticks avec le malade à quelques mètres. Voilà pourquoi je parle de chirurgie Nintendo. Les métiers de la médecine se transforment avec l’émergence des outils numériques. On passe de l’artisanat chirurgical à l’industrie du soin à une vitesse inimaginable. Ce qui peut faire peur, mais on sait, par expérience, que c’est par l’industrialisation que la qualité est augmentée.Vous dites : « réparer l’homme oui , mais l’augmenter pour quoi faire ? »GV : Tous les patrons de la Silicon Valley sont post-humanistes dans une vision totalement démiurgique. Après avoir tué Dieu, ils s’inventent des rêves d’immortalité et d’augmentation des capacités cognitives et physiques. Aujourd’hui le dé climatique, dont nous sommes en partie responsables, n’est rien, à côté de ces sujets transhumanistes. D’après les astrophysiciens, d’ici 1 à 2 milliards d’années, les océans vont bouillir, la Terre va brûler. Donc la vie est quelque chose de fragile et de temporel. Le risque d’une augmentation des capacités humaines pour toujours être le plus fort, aller plus vite, penser plus rapidement ne m’intéresse pas.Quel est la place du robot dans notre société ? Quelles seraient ses vertus ?GV : Les Japonais cherchent à faire du robot humanoïde. Je ne suis pas sûr que ce soit utile, on peut avoir plus d’empathie avec un robot qui ne ressemble pas à un humain. Nos yeux brillent alors que les yeux du robot japonais So a sont froids. On peut avoir une empathie fantastique avec le petit Paro, le robot phoque. Ce genre de robot marche très bien auprès des personnes âgées, il enlève une partie de leurs angoisses. Il agit comme le doudou de notre enfance. Ces objets sont à la fois nos complices, nos esclaves, témoins et partenaires. Quel marin n’a pas parlé à son bateau quand il avance bien ? Il lui parle, il le caresse. Et son bateau lui parle en retour, il grince.