Page 22 - ARS MAGAZINE
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RETOUR D’EXPÉRIENCESObjets connectés et personnes âgées font-ils bon ménage ?Que penser de ces objets qui font partie de la silver technologie dans le maintien de personnes âgées à leur domicile ou dans le maintien de leur autonomie en EHPAD ou en centre hospitalier ? Alexandre Duclos, Docteur en socio-anthropologie et Docteur en philosophie, Chercheur associé au CETCOPRA et chef de projet au sein de l’association MADoPA, partage son retour d’expérience.Il existe des technologies utiles, au point et à bas coût mais beaucoup d’objets et de robots qui ont été imaginés restent inef caces en l’état. « Je ne crois pas que cette robotique, celle qui n’est pas totalement adaptée à la vie des personnes, à leur contexte, soit une opportunité économique, sociale et clinique » con e Alexandre Duclos. L’ef cience et les coûts sont en question. La technologie de pointe reste chère. Les futures personnes âgées risquent d’avoir moins de moyens nanciers que celles actuelles. La silver technologie doit prendre en compte ces points pour devenir incontournable et servir ces objectifs : « Il y a une espèce de mélange entre une approche hyper technologique, et une approche hyper médicale, qui donne des contenus délirants » ajoute Alexandre Duclos qui pointe les écarts sur le terrain entre promesse et réalité.Les motivations de la silver technologie et de la silver économie peuvent se montrer divergentes. On souhaite soigner mieux, prévenir les risques de ruptures de parcours de santé, aider les aidants, nancer des recherches, trouver une demande pour une offre technologique et réduire les coûts de la prise en charge.La santé connectée souffre également de modèles d’évaluation très différents comme des études cliniques, des certi cations, des normes UE, des études ergo-psychologiques, d’usages, etc. Mais comment connaître la abilité en conditions réelles ? Quels sont les enjeux symboliques et émotionnels derrière ces objets ?Des sociétés ferment parce que leur production n’est pas en accord avec la réalité du marché, c’est le cas de celle qui a produit le robot de télé-présence Girafe. Un robot qui ressemblait davantage à un jouet social plutôt qu’à une solution de maintien à domicile. Il y a des surprises d’usages comme le bracelet de géolocalisation qui permet de ramener la personne en cas de fugue et qui en fait provoque les fugues. Alexandre Duclos témoigne par un autre exemple : « Je ne m’attendais pas à ce que le robot Paro serve à diminuerle stress, la douleur due au stress. Les personnes âgées sont réhabilitées lorsqu’elles prennent soin de ce petit animal. Elles en parlent comme d’un enfant ou d’un animal bien réel. Ce robot émotionnel semble agir de la même manière chez les aides-soignants. » Du côté des personnes âgées, l’objectif premier diffère du résultat réellement constaté. Certaines se demandent si Paro peut les guérir, les ramener chez elles. Paro leur fait vraiment du bien. Les usages diffèrent selon les EHPAD mais pour tous il subsiste un doute : est-ce que ces objets ont une utilité clinique ? Ou est-ce juste un objet émotionnel, relationnel ?On est entre la thérapie émotionnelle et la recherched’un bénéfice clinique. Deux notions inséparables qui font qu’on ne sait pas très bien de quel côtése positionner.À côté de ces expériences, d’autres dispositifs fonctionnent comme la téléprésence via Skype ou encore le glucomètre qui permet de mesurer chez soi son taux de glucose. Mais derrière toutes ces technologies, aussi différentes soient-elles, il y a les mêmes enjeux éthiques comme le consentement, le respect de l’intimité et de l’intégrité du patient, la transparence, le service après-vente...Alors quelles technologies du futur peut-on envisager ? « Celles qui sont d’abord ables, ensuite adaptables, personnalisables, plaisantes et co-construites avec les utilisateurs en environnement réel, à leur domicile. Le robot trouvera son utilité dans l’usage conjugué de l’aidant professionnel, de la personne soignée, de la famille... C’est cette somme d’usages qui crée l’utilité réelle de la machine. (...) On doit conserver l’intelligence humaine comme principe. »22 Et si on repensait le système ?2